Pourquoi ce Blog ? Le Manifeste du Cycliste Poche

Le diagnostic, c'est une façon polie de dire: «Votre chemin vient de changer de carte. Et elle est pleine de nids-de-poule.» Apprendre que Xavier était atteint d'une IMC, c'était d'abord le vertige. Un de ces moments où l'on se sent tomber sans fin dans un puits d'interrogations qui sent le formol. Oui, j'ai pleuré. Pas des larmes de cinéma, juste la vérité brute qui sort par les yeux. C'est l'étape obligatoire avant la négociation. Mais on ne peut pas rester figé devant un enfant qui grandit. Après quelques semaines passées à digérer l'absurdité du Destin, on se fait à l'idée. La route sera longue, celle de la rééducation vers la marche. C'est le prix à payer. On nous a dit que sa diplégie spastique était «frustre», la forme la plus légère. La plus gentille des tragédies. Ça me fait rire jaune. Même la misère a ses catégories, n'est-ce pas? Alors, pourquoi ce blog? Parce que dans la pénombre de la forme frustre, on se sent souvent seul. On nous dit que «ce n'est pas si grave», mais ce n'est pas une réponse concrète pour un parent qui se demande si son enfant tiendra un jour sur un vélo sans avoir l'air d'un manchot pris dans la mélasse. Je veux rejoindre ceux qui ont aussi reçu cette étiquette légère, ceux qui n'osent pas trop se plaindre mais qui cherchent désespérément un mode d'emploi. Ce blog est un phare, un cri de ralliement, pour que nous puissions échanger nos trucs, nos victoires minuscules et nos moments de désespoir. Parce que parfois, il faut se parler franchement, sans le filtre de la compassion molle. On est dans la même galère, alors autant rire de nos misères et des vélos qu'on n'apprendra jamais à bien monter.

Le Défi, l'Acuité et la vierge du Bénévolat



Le fiston, donc, a participé au Défi sportif AltErgo. Non pas une petite kermesse de quartier, mais une de ces grandes démonstrations de l’absurdité magnifique de l'existence, organisée par l'Hôpital Juif de Réadaptation. 

L'événement où la déficience motrice, l'Infirmité Moteur Cérébrale (IMC), se déguise en athlétisme.


Que dire de cette journée? Rien, si ce n'est que c'était le plus beau des clichés. Voir ces petits athlètes, tous pleins de limites fonctionnelles et de courage, défiler comme des héros antiques, représentant fièrement des institutions qui sentent le caoutchouc et la persévérance. Et cette foule, très gentille, qui applaudit. C'est l'hypocrisie nécessaire, celle qui fait du bien. Voir nos enfants se battre, persévérer si fort pour faire leurs preuves, c'était juste trop beau. Trop propre. On n'a pas le droit de ne pas être ému.


Mais attendez. L'émotion, comme la misère, est toujours là où on ne l'attend pas.


Une mère, une de ces sentinelles qui connaissent la chorégraphie du désespoir et du triomphe, m'avait prévenue. L'entrée dans le stade. La haie d'honneur des bénévoles. Ce serait le moment le plus touchant, m'avait-elle dit. Elle n'avait pas juste raison, elle avait la Vérité dans sa bouche.


Moi, vous savez, je suis de celles qui gardent les yeux secs quand le cœur fait le tapage. Je suis un roc, un frigidaire émotionnel. Mais là. Après une centaine de mercis et de «tape m'en cinq» (le fameux high five, anglicisme de rigueur) distribués à cette armée de sourires, de porte-paroles zélés et de commanditaires qui ont l'air si satisfaits d'eux-mêmes, j'ai failli craquer. J'ai tenu bon.


J'ai croisé la patoche d'Hugo Girard, un colosse doux et très grand, l'incarnation de la force brute. Le cœur a tenu. Et puis, ça n'a pas été le porte-parole, ni le commanditaire au complet. Ce fut une bénévole, une anonyme parmi des centaines, une de ces Vierges de la disponibilité qui vous donnent leur journée sans rien attendre. C'est sa main, son regard sans filtre, qui m'a déstabilisé.

Mon merci est sorti tout chambranlé, d'un coup ma voix était une ruine. Et ça s'est terminé par une accolade. Une vraie. Parce que parfois, l'humain, dans sa forme la plus simple, est une déflagration.


À la fin juin, Xavier recevra sa médaille d'argent pour le lancer du poids, et sa médaille d'or pour la course à relais. Je vous le montrerai. Il sera tellement fier de lui. Et moi, je serai là, le cœur encore battant, mais les yeux pleins de cette absurdité: on a beau être crissement laid en courant, on est capable de soulever des montagnes. Et ça, c'est une sacrée victoire.


Commentaires

Articles les plus consultés