Le Défi, l'Acuité et la vierge du Bénévolat
Le fiston, donc, a participé au Défi sportif AltErgo. Non pas une petite kermesse de quartier, mais une de ces grandes démonstrations de l’absurdité magnifique de l'existence, organisée par l'Hôpital Juif de Réadaptation.
L'événement où la déficience motrice, l'Infirmité Moteur Cérébrale (IMC), se déguise en athlétisme.
Que dire de cette journée? Rien, si ce n'est que c'était le plus beau des clichés. Voir ces petits athlètes, tous pleins de limites fonctionnelles et de courage, défiler comme des héros antiques, représentant fièrement des institutions qui sentent le caoutchouc et la persévérance. Et cette foule, très gentille, qui applaudit. C'est l'hypocrisie nécessaire, celle qui fait du bien. Voir nos enfants se battre, persévérer si fort pour faire leurs preuves, c'était juste trop beau. Trop propre. On n'a pas le droit de ne pas être ému.
Mais attendez. L'émotion, comme la misère, est toujours là où on ne l'attend pas.
Une mère, une de ces sentinelles qui connaissent la chorégraphie du désespoir et du triomphe, m'avait prévenue. L'entrée dans le stade. La haie d'honneur des bénévoles. Ce serait le moment le plus touchant, m'avait-elle dit. Elle n'avait pas juste raison, elle avait la Vérité dans sa bouche.
Moi, vous savez, je suis de celles qui gardent les yeux secs quand le cœur fait le tapage. Je suis un roc, un frigidaire émotionnel. Mais là. Après une centaine de mercis et de «tape m'en cinq» (le fameux high five, anglicisme de rigueur) distribués à cette armée de sourires, de porte-paroles zélés et de commanditaires qui ont l'air si satisfaits d'eux-mêmes, j'ai failli craquer. J'ai tenu bon.
J'ai croisé la patoche d'Hugo Girard, un colosse doux et très grand, l'incarnation de la force brute. Le cœur a tenu. Et puis, ça n'a pas été le porte-parole, ni le commanditaire au complet. Ce fut une bénévole, une anonyme parmi des centaines, une de ces Vierges de la disponibilité qui vous donnent leur journée sans rien attendre. C'est sa main, son regard sans filtre, qui m'a déstabilisé.
Mon merci est sorti tout chambranlé, d'un coup ma voix était une ruine. Et ça s'est terminé par une accolade. Une vraie. Parce que parfois, l'humain, dans sa forme la plus simple, est une déflagration.
À la fin juin, Xavier recevra sa médaille d'argent pour le lancer du poids, et sa médaille d'or pour la course à relais. Je vous le montrerai. Il sera tellement fier de lui. Et moi, je serai là, le cœur encore battant, mais les yeux pleins de cette absurdité: on a beau être crissement laid en courant, on est capable de soulever des montagnes. Et ça, c'est une sacrée victoire.



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