Pourquoi ce Blog ? Le Manifeste du Cycliste Poche

Le diagnostic, c'est une façon polie de dire: «Votre chemin vient de changer de carte. Et elle est pleine de nids-de-poule.» Apprendre que Xavier était atteint d'une IMC, c'était d'abord le vertige. Un de ces moments où l'on se sent tomber sans fin dans un puits d'interrogations qui sent le formol. Oui, j'ai pleuré. Pas des larmes de cinéma, juste la vérité brute qui sort par les yeux. C'est l'étape obligatoire avant la négociation. Mais on ne peut pas rester figé devant un enfant qui grandit. Après quelques semaines passées à digérer l'absurdité du Destin, on se fait à l'idée. La route sera longue, celle de la rééducation vers la marche. C'est le prix à payer. On nous a dit que sa diplégie spastique était «frustre», la forme la plus légère. La plus gentille des tragédies. Ça me fait rire jaune. Même la misère a ses catégories, n'est-ce pas? Alors, pourquoi ce blog? Parce que dans la pénombre de la forme frustre, on se sent souvent seul. On nous dit que «ce n'est pas si grave», mais ce n'est pas une réponse concrète pour un parent qui se demande si son enfant tiendra un jour sur un vélo sans avoir l'air d'un manchot pris dans la mélasse. Je veux rejoindre ceux qui ont aussi reçu cette étiquette légère, ceux qui n'osent pas trop se plaindre mais qui cherchent désespérément un mode d'emploi. Ce blog est un phare, un cri de ralliement, pour que nous puissions échanger nos trucs, nos victoires minuscules et nos moments de désespoir. Parce que parfois, il faut se parler franchement, sans le filtre de la compassion molle. On est dans la même galère, alors autant rire de nos misères et des vélos qu'on n'apprendra jamais à bien monter.

La Physiatrie, le « Probable » et la Faute de l'Incubateur

Ce matin, 8h45. L'heure de vérité. Ou plutôt, l'heure du probable.
Nous étions là, Peanut (Xavier) et moi, chez le physiatre. On s'attendait au grand verdict, à la sentence définitive. On a eu droit à un: «diplégie spastique de forme frustre probable». Probable. Même la maladie, chez nous, est incertaine. C'est l'ambiguïté qui nous sauve ou qui nous ronge, je ne sais plus.
Conséquence de ce diagnostic à géométrie variable: un simple rencart en physiothérapie. Quelques exercices, des conseils de pro, et peut-être, peut-être, qu'on échappera au neurologue et au cauchemar de la réadaptation lourde. On frôle l'abîme, mais on nous laisse sur le trottoir. On se croirait dans une mauvaise pièce de théâtre, où la tragédie n'a pas les moyens d'aller jusqu'au bout.

Je pourrais voir le verre à moitié vide. Mais je préfère le voir à moitié plein, ou mieux encore, je préfère le comparer au verre des autres. Quand je pense à la mère qui apprend la leucémie de son fils aujourd'hui, je me dis que ma misère est une farce. Mon petit n'a pas à craindre pour sa vie. Il n'a pas à craindre du tout pour son avenir, itou! Il sera crissement poche en vélo, mais il sera là. C'est la grande consolation populaire: être vivant.
Mais la vérité, la seule qui compte, c'est celle qui me dévisage dans le miroir. Je culpabilise. C'est le réflexe le plus primitif de la mère. On nous dit que ce genre d'anomalie se bâtit pendant la gestation. Et dans notre cas, on pointe du doigt le «stroke» qui a eu lieu pendant l'accouchement, cette heure de barbarie où le corps a échoué.

J'ai l'impression d'avoir raté ma tâche d'incubateur. Je n'ai pas fourni le service que la nature attendait de moi. J'étais le berceau, le conteneur, et j'ai livré la marchandise endommagée. C'est une pensée stupide, indigne de toute logique, mais elle colle à la peau.
Alors, on se lève. On prend le «probable» à bras le corps, on va acheter des patins neufs pour la physio, et on se dit que même si j'ai été une mauvaise matrice, je serai une bonne mère. C'est tout ce qui reste. Et c'est peut-être ça, l'unique vérité: la survie dans la culpabilité.



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