La Physiatrie, le « Probable » et la Faute de l'Incubateur
Ce matin, 8h45. L'heure de vérité. Ou plutôt, l'heure du probable.
Nous étions là, Peanut (Xavier) et moi, chez le physiatre. On s'attendait au grand verdict, à la sentence définitive. On a eu droit à un: «diplégie spastique de forme frustre probable». Probable. Même la maladie, chez nous, est incertaine. C'est l'ambiguïté qui nous sauve ou qui nous ronge, je ne sais plus.
Conséquence de ce diagnostic à géométrie variable: un simple rencart en physiothérapie. Quelques exercices, des conseils de pro, et peut-être, peut-être, qu'on échappera au neurologue et au cauchemar de la réadaptation lourde. On frôle l'abîme, mais on nous laisse sur le trottoir. On se croirait dans une mauvaise pièce de théâtre, où la tragédie n'a pas les moyens d'aller jusqu'au bout.
Je pourrais voir le verre à moitié vide. Mais je préfère le voir à moitié plein, ou mieux encore, je préfère le comparer au verre des autres. Quand je pense à la mère qui apprend la leucémie de son fils aujourd'hui, je me dis que ma misère est une farce. Mon petit n'a pas à craindre pour sa vie. Il n'a pas à craindre du tout pour son avenir, itou! Il sera crissement poche en vélo, mais il sera là. C'est la grande consolation populaire: être vivant.
Mais la vérité, la seule qui compte, c'est celle qui me dévisage dans le miroir. Je culpabilise. C'est le réflexe le plus primitif de la mère. On nous dit que ce genre d'anomalie se bâtit pendant la gestation. Et dans notre cas, on pointe du doigt le «stroke» qui a eu lieu pendant l'accouchement, cette heure de barbarie où le corps a échoué.
J'ai l'impression d'avoir raté ma tâche d'incubateur. Je n'ai pas fourni le service que la nature attendait de moi. J'étais le berceau, le conteneur, et j'ai livré la marchandise endommagée. C'est une pensée stupide, indigne de toute logique, mais elle colle à la peau.
Alors, on se lève. On prend le «probable» à bras le corps, on va acheter des patins neufs pour la physio, et on se dit que même si j'ai été une mauvaise matrice, je serai une bonne mère. C'est tout ce qui reste. Et c'est peut-être ça, l'unique vérité: la survie dans la culpabilité.


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